Un environnement favorable à une saine alimentation: pourquoi et comment?
L’environnement alimentaire a une influence indéniable sur ce que mangent les jeunes. Pour encourager une meilleure alimentation, il faut agir sur cet environnement afin que les aliments nutritifs deviennent des choix plus accessibles, économiques et agréables.
Compte rendu de la conférence de Martine Pageau, agente de recherche et de planification socioéconomique à la Direction de la santé et du bien-être, du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.
1. Pourquoi faut-il créer un environnement favorable?
L’alimentation des jeunes n’est pas adéquate. Conséquence : on assiste à une épidémie d’obésité, couplée à une préoccupation excessive à l’égard du poids. Or, rappelle Martine Pageau, notre rapport à l’alimentation est modulé par des facteurs de nature physique, socioculturelle, économique etpolitique. Parmi les plus déterminants, elle note le fait que :
- Le repas pris à l’extérieur du foyer est maintenant une réalité alimentaire bien ancrée, y compris pour les jeunes et les enfants. Cette mouvance sociale est vraisemblablement une réponse au rythme trépidant de la vie.
- La précarité économique augmente en raison du contexte économique difficile. Les écarts entre les plus riches et les plus pauvres s’accentuent, ajoutant aussi de la pression sur la classe moyenne.
Dans ce contexte, elle soutient qu’il est primordial de chercher à créer des environnements qui n’exacerberont pas ces problèmes, mais qui miseront sur une plus grande accessibilité économique à une saine alimentation.
2. À qui appartient la responsabilité de nourrir les jeunes?
Bien entendu, la famille joue un rôle essentiel. Dès la naissance d’un enfant, elle construit ses habitudes en fonction de sa culture, de ses valeurs, de sa scolarité, etc.
Mais lorsque l’enfant grandit, il fréquente des milieux de garde, l’école, des lieux de loisirs et de sports. L’offre alimentaire, dans ces lieux publics, influence la qualité de l’alimentation du jeune. Son alimentation n’est plus uniquement une responsabilité familiale, mais aussi celle des établissements qu’il fréquente.
« Les aliments qu’on y offre au quotidien influencent certainement la perception de ce que constitue une saine alimentation. Par exemple, si l’école offre une variété de produits qui sont discutables d’un point de vue nutritionnel, est-ce qu’on n’intègre pas justement le message que ces produits sont bons? », avance Martine Pageau.
Il y a donc une responsabilité partagée entre le jeune, la famille et la société. « Tout cela contribue à façonner les normes sociales reliées à l’alimentation », explique l’agente de recherche.
Deux initiatives du gouvernement du Québec pour soutenir les environnements favorables :
- Le Plan d’action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes liés au poids qui s’intitule : Investir pour l’avenir. Il a été lancé en 2006. Son but est d’améliorer la qualité de vie des gens en leur permettant de vivre dans des environnements favorisant l’adoption et le maintien de saines habitudes de vie.
- Pour un virage santé à l’école. Cette politique donne des orientations en ce qui concerne l’alimentation et le mode de vie physiquement actif dans les écoles. Elle vise également le développement des compétences des élèves en la matière et le travail en partenariat avec la communauté.
3. Qu’est-ce qu’un environnement favorable?
Un environnement favorable, c’est l’ensemble des éléments de nature physique, socioculturelle, politique et économique qui exerce une influence positive sur l’alimentation. Ces éléments sont reliés entre eux et s’influencent mutuellement. Par exemple, une nouvelle mesure politique ou une mesure incitative économique modifiera l’offre alimentaire.
Environnement physique
Entre dans l’environnement physique tout ce qui constitue l’offre,notamment :
- la variété des aliments de bonne valeur nutritive, offerts en formats appropriés;
- l’aménagement de lieux attrayants pour les jeunes.
Environnement socioculturel
C’est la valeur que l’on donne à l’alimentation. Par exemple, dans l’établissement scolaire, c'est l’attitude que l’on a vis-à-vis de l’alimentation, le temps que l’on accorde au repas, l’ambiance que l’on donne à la cafétéria, etc.
Il faut rétablir la réputation et la valeur des repas offerts à l’école.
« La saveur et la convivialité sont aussi des éléments importants. On doit travailler à instaurer uneperception positive des repas offerts en milieu scolaire. Malheureusement, l’idée que la nourriture offerte dans les cafétérias scolaires n’est pas bonne est encore trop souvent véhiculée. Malgré les efforts déployés dans les cafétérias pour répondre aux goûts des jeunes […]. Je dirais qu’il y a également de la place pour la valorisation des produits locaux : ce serait bien si l’on retrouvait des mets ou des produits régionaux typiques dans les écoles », suggère Martine Pageau.
Environnement politique
Il s’agit des politiques publiques qui ont pour objectif de régir l’ensemble des différents environnements.
Selon Martine Pageau, il serait souhaitable de créer autour des écoles une « zone protégée », c'est-à-dire de restreindre dans le zonage municipal la présence d’établissements de restauration rapide afin de limiter la concurrence aux services alimentaires scolaires.
« On demande à ces services un véritable tour de force : attirer et nourrir des jeunes lorsqu’à distance de marche, ils peuvent trouver des repas attrayants pour eux et à prix ridicule. »
Environnement économique
Ce sont des facteurs de nature économique qui vont influencer l’offre alimentaire. Dans certaines commissions scolaires, des subventions sont accordées pour les repas des enfants provenant demilieux défavorisés, afin qu’ils soient accessibles et de bonne qualité. D’autres types de mesures incitatives, de gestion et de subventions, pourraient être mis sur pied, selon Martine Pageau. D’autant plus que l’augmentation des prix des aliments met de plus en plus de pressions sur les cafétérias scolaires et sur les familles.
4. Une vision de la saine alimentation : pour la création d’environnements alimentaires favorables à la santé
Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et les ministères partenaires du Plan d’action gouvernemental de promotion de saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids se sont dotés d’une vision de la saine alimentation d’un point de vue populationnel. Cette vision est destinée à tous ceux qui ont une influence sur l’offre alimentaire. La vision de la saine alimentation reconnaît que celle-ci comprend plusieurs dimensions: socioculturelle, biologique, économique, de même que celle de la sécurité alimentaire et du développement durable. Elle énonce huit principes qui doivent guider l’offre alimentaire collective au Québec.
Il faut imaginer l’offre alimentaire comme un ensemble d’aliments, de produits transformés, de plats et de menus, dont la valeur nutritive varie, que l’on pourrait placer tout au long d’un continuum, des moins nutritifs aux plus nutritifs.

Images tirées de la Vision de la saine alimentation pour la création d’environnements alimentaires favorables à la santé, Gouvernement du Québec, 2010.
« L’idée, c’est que tous les aliments ont leur place, mais l’offre est modulée selon l’endroit où l’on se trouve. En général, on devrait retrouver dans notre environnement habituel une plus grande quantité d’aliments de bonne valeur nutritive, accessibles et mis en valeur.
Les lieux ayant une mission de santé, d’éducation ou de développement de la petite enfance (établissements de santé, écoles, services de garde) devraient être exemplaires à l’égard de l’offre alimentaire qu’on y présente. On devrait donc y retrouver majoritairement des aliments quotidiens et certains aliments d’occasion. Tandis que les établissements à vocation commerciale, comme les restaurants, peuvent présenter toute la gamme d’aliments, explique Martine Pageau.
5. Comment créer un environnement favorable?
Les défis sont nombreux, avoue-t-elle, notamment pour trouver des formules qui conjuguentaccessibilité, économique et qualité. Mais elle y voit aussi de belles occasions de faire travailler ensemble des experts de l’art culinaire, de la nutrition, de la santé publique, de l’économie et du marketing social. En se regroupant, ils pourront mettre à profit leurs forces et user d’ingéniosité pour que les repas soient mieux acceptés et, au besoin, subventionnés, ajoute-t-elle.
Et pour assurer la pérennité des politiques publiques, il importe, selon Martine Pageau, de continuer à susciter l’adhésion des jeunes, des parents et des familles, et d’investir en formation, en soutien continu et en recherche, pour que durent les changements.
Claudia Morissette pour Québec en Forme
Ce reportage a été rendu possible grâce à Québec en Forme avec la collaboration de l’ITHQ.
Pour en savoir davantage
La présentation de Martine Pageau
Une vision de la saine alimentation
Plan d'action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids 2006-2012 — Investir pour l'avenir
Pour un virage santé à l’école
