Saine alimentation: les entreprises ont-elles une responsabilité?
Les entreprises ont avant tout une responsabilité économique, mais elles devraient aussi avoir une responsabilité sociale. Pourquoi? Parce qu’elles sont coresponsables des problèmes de santé publique et qu’elles ne devraient pas miner la crédibilité ni la légitimité des interventions gouvernementales. Des outils pour y arriver : l’éducation, la régulation et l’autorégulation.
Décider d’allouer une responsabilité sociale aux entreprises agroalimentaires dans les tendances non désirées en alimentation soulève deux enjeux philosophiques : la légitimité démocratique et une certaine opposition idéologique des entreprises à l’égard des pouvoirs publics et des interventions gouvernementales.

Compte-rendu de la présentation donnée par Pierre-Yves Néron, chercheur postdoctoral au Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal (CRÉUM) et du Groupe de recherche interuniversitaire en philosophie politique (GRIPP) à Montréal.
1. Responsabilité sociale des entreprises : deux questions principales
La première question : Quels devraient être le rôle et la responsabilité des entreprises dans la lutte contre les tendances non désirées en alimentation?
« La réponse attendue, dit Pierre-Yves Néron, est de dire que la responsabilité des entreprises est d’abord d’essayer de maximiser les profits de leurs actionnaires. »
La deuxième question : Ces entreprises agroalimentaires ont-elles une responsabilité sociale? Par exemple, améliorer l’offre ou relever leurs critères?
« On serait tenté de répondre “non”, s’il n’y a pas de demande et si cela ne contribue pas au rôle premier des entreprises, qui est de faire fructifier les profits des actionnaires. Ces entreprises n’ont pas à assumer une telle responsabilité », indique Pierre-Yves Néron.
Mais, il est possible de donner une réponse positive à ces deux questions en allant puiser dans les discours entourant la responsabilité sociale des entreprises, c’est-à-dire :
- le discours moral et éthique. La façon dont les entreprises devraient se comporter et les attentes légitimes que la société est en droit d’avoir sur ces dernières;
- le discours politique. Pour que les entreprises soient à même de rendre des comptes à l’ensemble de la société et non pas au seul groupe des actionnaires;
- le discours d’affaires. Il est utilisé par bon nombre d’entreprises et même par des gouvernements pour mettre en place des mesures d’aide aux entreprises ou des programmes de responsabilité sociale de l’entreprise de développement durable.
2. Qu’est-ce que la responsabilité sociale des entreprises?
« Au-delà de la simple recherche du profit pour les actionnaires dans le respect des lois et des régulations, il faut également être capable d’attribuer les responsabilités non purement économiques, mais également sociales et environnementales aux entreprises », répond Pierre-Yves Néron.
Pour la tentative d’attribuer un rôle un peu plus social, au-delà d’un rôle simplement économique des entreprises, Pierre-Yves Néron propose de se pencher sur quelques outils dont on pourrait disposer dans la lutte contre les tendances non désirées en alimentation :
- l’éducation, qui permet de procéder à certaines modifications des préférences individuelles. Un outil séduisant, selon lui, mais qui risque d’être miné par des effets systémiques; de bonnes interventions gouvernementales par l’intermédiaire d’une bonne régulation des bonnes pratiques commerciales et par l’interdiction de toute une gamme de pratiques commerciales, par exemple;
- l’autorégulation de la part de l’industrie avec des programmes, des mesures de responsabilité sociale qu’elle va s’imposer à elle-même, des critères plus élevés, même si la régulation gouvernementale ne le fait pas.
3. Responsabilité sociale des entreprises : les principaux arguments
Selon Pierre-Yves Néron, l’argument que l’on peut avancer pour attribuer un rôle proactif de responsabilité sociale aux entreprises consisterait à dire que les entreprises agroalimentaires sont coresponsables des problèmes de santé publique.
« Mais si nous voulons régler un certain nombre de problèmes de santé publique liés aux pratiques et aux habitudes alimentaires, il me semble que nous devons constamment garder l’œil ouvert et agir de telle manière que les interventions des entreprises n’auront pas pour effet de miner la crédibilité et la légitimité de certaines interventions des pouvoirs publics », explique Pierre-Yves Néron.
Carole Boulé pour Québec en Forme
Ce reportage a été rendu possible grâce à Québec en Forme avec la collaboration de l’ITHQ.
