Veille - Agroalimentaire

Financement des études par l’industrie alimentaire : pour ou contre ?

Les chercheurs en santé publique doivent-ils accepter l’argent de l’industrie agroalimentaire pour financer leurs études ? Des experts en débattent dans le prestigieux British Medical Journal.

Voici quelques-uns des arguments des deux camps.

Pour une collaboration entre l’industrie alimentaire et la santé publique

Selon Paul Aveyard, professeur à l’Université d’Oxford1, et Derek Yach2, directeur général du Vitality Institute, il est essentiel de collaborer avec l’industrie agroalimentaire, car il s'agit d'un acteur majeur qui ne peut être ignoré. Ainsi, l’industrie doit être consultée lorsque des politiques de santé publique sont en cours de discussion. En revanche, elle ne doit pas participer au processus décisionnel, nuancent-ils.

Par ailleurs, les deux partisans du oui conviennent que l’industrie ne doit pas influencer les chercheurs dont elle finance les études, et que ceux-ci doivent publier leurs travaux, quels qu’en soient les résultats. Si l’industrie ne finance pas la recherche, trois possibilités se présentent selon eux : les études ne sont pas faites, elles sont menées par l’industrie ou elles sont payées par les contribuables.

« Dans de nombreux cas, les intérêts de l’industrie et du secteur de la santé convergent, ce qui justifie donc le soutien financier, concluent Paul Aveyard et Derek Yach. Les exemples de mauvaises pratiques n’annulent pas les résultats obtenus grâce à une collaboration appropriée. Dans la mesure où des balises claires sont en place, personne ne peut remettre en question l’intégrité de la recherche collaborative ».

Contre une collaboration entre l’industrie alimentaire et la santé publique

Anna Gilmore3 et Simon Capewell4, tous deux professeurs en santé publique, sont totalement opposés à une quelconque collaboration entre les deux secteurs. Selon eux, les entreprises, quelles qu’elles soient, poursuivent des objectifs axés sur le profit : elles ne peuvent donc que s’opposer aux politiques de santé publique qui menacent leurs profits.

Ils poursuivent en affirmant que l’industrie des produits ultra-transformés et des boissons sucrées ne fait pas exception et qu’elle utilise divers moyens douteux pour saboter le processus scientifique : les résultats des recherches qu’elle finance sont généralement biaisés et détournent l’attention de ses produits. Le secteur de la malbouffe promeut des interventions ciblant les individus plutôt que les environnements et met l’accent sur l’activité physique et l’équilibre énergétique plutôt que sur les facteurs alimentaires causant l’obésité.

« Aucun changement n’est possible tant que les chercheurs en santé ne refuseront pas l’argent des fabricants d’aliments ultra-transformés », soulignent Anna Gilmore et Simon Capewell. Cela a fonctionné pour le tabac. Au début des années 1990, toutes les facultés médicales britanniques acceptaient l’argent de cette industrie, une situation inimaginable aujourd’hui », rappellent-ils.

Source : Paul Aveyard, Derek Yach, Anna B Gilmore, Simon Capewell. Head To Head. Should we welcome food industry funding of public health research? BMJ 2016;353:i2161, 20 April 2016.

Veille Action a déjà publié un article portant sur cette problématique : Industrie agroalimentaire et lutte contre l’obésité : enjeux de santé publique et conflits d’intérêts, ainsi qu’un outil d’aide à la décision.

Veille action – 27 avril 2016

1. Paul Aveyard, professor of behavioural medicine. Nuffield Department of Primary Care Health Sciences, University of Oxford, Oxford.
2. Derek Yach, executive director, Vitality Institute, New York, USA.
3. Anna B Gilmore, professor of public health, UK Centre for Tobacco and Alcohol Studies, University of Bath, Bath, UK.
4. Simon Capewell, professor of public health and policy, Department of Public Health and Policy, University of Liverpool, UK.