Gaspillage alimentaire : des faits et des solutions
Comment mieux cerner les enjeux du gaspillage alimentaire et limiter les pertes? Le conférencier Éric Ménard, invité par le comité de partenaires du Système alimentaire montréalais, le 12 février, a proposé des réponses à ces questions.
Spécialiste en gaspillage alimentaire, Éric Ménard1 a commencé par faire un portrait peu reluisant des pertes alimentaires qui se produisent entre le champ du cultivateur et la poubelle du consommateur. « Le tiers des denrées alimentaires est gaspillé, a-t-il souligné. Cela veut dire qu’un tiers des dépenses en engrais, pesticides, machinerie, transport et emballage ne sert à rien! En outre, ces dépenses faites en pure perte ont des impacts environnementaux importants sur le sol, l’eau et l’air », a déploré le conférencier.
Quelques exemples frappants
La surproduction, l’apparence des fruits ou des légumes, les « retailles » et les « défauts » de fabrication ou d’emballage font partie des enjeux auxquels il faut s’attaquer, a soutenu le conférencier, qui a présenté 3 photos frappantes pour illustrer son propos.
La première est celle de 5 bols de céréales dont 2 étaient jetés pour défaut de fabrication avant que l’organisme français les Gueules cassées n’intervienne pour faire cesser ce type de gaspillage.
La deuxième photo montre une fraction des 1 300 tranches de pain jetées quotidiennement par un fabricant de sandwichs au Royaume‐Uni, car ce sont les « croûtes ».
Troisième exemple : celui de légumes achetés ici à Montréal, à 20 % de rabais chez SecondLife et dont le seul défaut est de ne pas être conformes aux calibres souhaités par les distributeurs. Comme le montre la photo ci-dessus, ces légumes sont en fait parfaits pour être mangés.
Des organismes actifs au Québec, et ailleurs
Éric Ménard a mentionné le travail remarquable effectué par plusieurs organismes comme Moisson Montréal, qui récupère maintenant aussi la viande, ainsi que La Tablée des Chefs. Il a également souligné que l’Escouade anti-gaspillage de la Table de Concertation sur la Faim et le Développement Social de l’Outaouais était bien organisée pour redistribuer des denrées comestibles.
« Les circuits courts, les épiceries alternatives et la vente de produits à rabais sont d’autres façons de limiter le gaspillage alimentaire », a précisé le conférencier. Il a cité en exemple les Épiceries solidaires et sociales en France, qui permettent aux personnes ayant peu de moyens de se procurer, en libre-service, des aliments en payant seulement 20 % du prix habituel. « Cette approche permet de préserver la dignité des personnes et leur liberté de choix », a-t-il indiqué.
Sensibilisation et information
« Le gaspillage alimentaire, on pense très souvent que notre voisin en fait, mais pas nous a affirmé Éric Ménard. C’est un mythe, nous pouvons toujours faire mieux. Nous avons besoin d’être sensibilisés et informés pour prendre conscience de cet enjeu qui nous touche de près. »
Il a cité en exemple le programme d’ateliers de cuisine anti-gaspillage financé par le fonds Éco IGA, en partenariat avec La Tablée des Chefs. « Entre août et décembre 2015, plus de 1 200 personnes ont participé aux ateliers "À vos frigos!" », s’est réjoui le conférencier.
Des mesures gouvernementales
« En France, le gouvernement s’est fixé l’objectif ambitieux de réduire le gaspillage alimentaire de 50 % d’ici 2025 », a souligné Éric Ménard. Le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire entend mettre en œuvre 11 mesures concrètes, dont :
- Une journée nationale de lutte contre le gaspillage
- Des formations dans les lycées agricoles et les écoles hôtelières
- Des clauses relatives à la lutte contre le gaspillage dans les marchés publics de la restauration collective
De plus, la Loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire vient tout juste d’être promulguée en France. « Cette loi, qui vise principalement les supermarchés, prévoit notamment une obligation de partenariat avec des organismes pour le don des invendus comestibles et interdit de jeter aux poubelles les résidus alimentaires », a précisé Éric Ménard. Ces résidus devront, selon le cas, être utilisés pour l’alimentation animale, compostés ou servir à la production d’énergie.
Cette loi stipule également que la lutte contre le gaspillage alimentaire devra être au programme des cours d’éducation à l’alimentation dispensés dans les écoles.
Pour lire le deuxième reportage de Veille Action : Sécurité alimentaire dans Ahuntsic : partenariat avec de petits commerçants
Veille Action – 17 février 2016
* Éric Ménard détient une maîtrise en environnement. Il écrit notamment un blogue intitulé « Tu ne vas pas jeter ça! »