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Taxe sur les boissons sucrées au Mexique : une expérience inédite

La taxe sur les boissons sucrées mise en place par le Mexique a fait couler beaucoup d’encre depuis le dépôt d’un amendement qui visait à la diminuer de moitié. Retour sur les faits saillants de cette histoire.

Le 19 octobre dernier, les députés de la Chambre basse du Congrès mexicain ont voté un amendement pour diminuer de moitié la taxe sur les boissons sucrées en vigueur depuis le 1er janvier 2014. Mais, 9 jours plus tard, l’amendement était révoqué par le Sénat, au grand soulagement des nombreux acteurs de la société civile. Dans un article fouillé, le journal britannique The Guardian revient sur les événements marquants de cette initiative à peu près inédite.

Une taxe pour freiner la consommation

La taxe « 1 peso par litre de soda » correspond à une hausse d’environ 10 % du coût d’achat des boissons sucrées dont les Mexicains sont de très grands consommateurs. Elle vise essentiellement à régler deux graves problèmes de santé publique : l’épidémie d’obésité et la prévalence du diabète.

En 2006, une vaste enquête de la Santé publique du Mexique avait révélé que, depuis 2000, les cas de diabètes, première cause de mortalité au pays, avaient doublé. Durant cette même période, le taux d’obésité chez les enfants de 5 à 11 ans avait augmenté de 40 %. Aucun pays au monde n’avait connu à ce jour, souligne The Guardian, un accroissement aussi rapide du taux d’obésité au sein de sa population.

Une industrie sur la défensive

Lorsque le président mexicain de l’époque, Enrique Peña Nieto, a annoncé son intention d’imposer une taxe sur les boissons sucrées, les grands acteurs de l’industrie sont vite montés au front. Ainsi que l’explique The Guardian, c’est moins la taxe en elle-même que la démonisation de leur produit qui les inquiétait.

Afin de défendre leurs intérêts, les embouteilleurs ont répliqué en déclarant que tout est une question d’équilibre, d’éducation et de mode de vie. Selon leurs arguments, ce serait essentiellement par l’exercice physique que l’on peut contrôler la prise de poids. Par ailleurs, l’imposition d’une taxe ne ferait que pénaliser les plus pauvres.

Or, rappelle The Guardian, plusieurs études ont clairement montré que la consommation excessive de sucre est le principal facteur qui contribue à l’épidémie d’obésité et le premier responsable du diabète, maladie qui peut d’ailleurs frapper les personnes de poids normal.

La taxe, efficace ou pas?

Un des arguments de l’industrie des boissons sucrées est d’ailleurs d’affirmer qu’une telle taxe, en plus d’être inéquitable, serait totalement inefficace. Et même si l’Organisation mondiale de la santé considère qu’une taxe sur les boissons sucrées (qui sert ensuite à subventionner l’achat de fruits et légumes) représente une excellente stratégie, The Guardian reconnaît qu’il est très difficile d’en mesurer les impacts.

Il existe, en effet, très peu de données qui permettent d’évaluer les effets sur la santé d’une taxe sur les boissons sucrées pour la simple raison qu’elle n’a presque jamais été implantée1. Par exemple, aux États-Unis, au moins une trentaine d’administrations ont tenté d’imposer une telle taxe, mais toutes ont échoué.

Un cas d’espèce

L’expérience mexicaine, dans ce contexte, prend valeur d’exemple. Déjà, une étude a pu montrer que, depuis l’entrée en vigueur de cette taxe, les ventes de boissons sucrées ont baissé de 6 % tandis que celles des bouteilles d’eau étaient en hausse de 4 %. Voilà pourquoi, comme l’écrit The Guardian, le monde entier a maintenant les yeux tournés vers le Mexique.

À noter que, le 4 novembre 2014, la Ville de Berkeley, en Californie, devenait la première administration aux États-Unis à imposer une taxe spécifique sur les boissons sucrées.

1 Avant l’expérience du Mexique, certains pays avaient imposé des taxes sur les boissons sucrées, nommément la Finlande, la France et la Hongrie. Mais ces taxes étaient conçues pour générer des revenus. Il ne s’agissait pas directement de mesures de santé publique. Comme le mentionne The Gardian, si les données disponibles montrent que la taxation infléchit la consommation, il est, jusqu’à maintenant, très difficile d’en mesurer les impacts sur l’obésité et les maladies qui lui sont liées.

Sources : How one of the most obese countries on earth took on the soda giants

Pour en savoir plus

Benefits of Mexican sugar tax disputed as congress approves cut

Mexican Senate committees eliminate cut in sugary drink tax

Veille Action 9 novembre 2015