Les ados ont «des alimentations» multiples et multiculturelles

En France, il n’y a pas qu’un type d’adolescent ni qu’un type d’alimentation. Il y a des adolescents, des alimentations et des habitudes multiples. Cette multiplicité culturelle appelle une intervention plus globale de santé qui dépasse les recommandations nutritionnelles des 5 portions de fruits et légumes par jour, par exemple.

 

Compte rendu de la présentation de Véronique Pardo, anthropologue et directrice adjointe à l’Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (OCHA) à Paris.

1. Les pratiques alimentaires des adolescents vérifiées sur le terrain

Le programme de recherche AlimAdos, sélectionné par l’Agence nationale de la recherche, est une étude qualitative sur l’observation des pratiques alimentaires des adolescents en France.

L’équipe multidisciplinaire de Véronique Pardo a voulu mieux comprendre les cultures alimentaires de divers groupes, les relations entre les habitudes alimentaires et la culture et l’image du corps.

« On a réalisé des entretiens sur l’alimentation auprès de 2000 adolescents, mais surtout, on a partagé leur quotidien et leur repas dans leur famille, dans leur contexte, leur environnement et leurs réseaux sociaux », explique Véronique Pardo.

2. Les recommandations nutritionnelles : qu’en font les adolescents?

D’une manière générale, les adolescents connaissent bien les recommandations nutritionnelles. « Mais attention, dit Véronique Pardo. Il y a une différence entre connaître, mettre en pratique et accepter. En fait, ils sont capables de les citer et même de nous les réciter par cœur au début de l’étude. »

La recommandation des cinq fruits et légumes par jour est souvent citée en premier par les ados. Mais elle ajoute qu’ils se questionnent sur ce que veut dire vraiment manger cinq fruits et légumes. C’est cinq portions? Cinq fruits différents? Une portion de légumes, c’est quoi au juste?

Ces recommandations nutritionnelles peuvent même avoir un effet pervers auprès des adolescents. « Beaucoup d’infirmières et de médecins ont souligné une consommation excessive de fruits au détriment de tous les autres aliments, notamment chez les jeunes filles pensant que les fruits les feraient maigrir », indique Véronique Pardo.

L’une des infirmières interrogées déplore d’ailleurs que la notion de plaisir soit toujours absente des campagnes de prévention : « Manger doit rester un plaisir chez les jeunes ». Le discours de manger cinq fruits et légumes par jour est aberrant. Les adolescentes le savent, mais elles comprennent aussi qu’on peut manger cinq fruits et légumes et avoir des problèmes de poids », rapporte l’anthropologue.

3. Les différences culturelles

Véronique Vardo a constaté que les adolescents ne se reconnaissaient pas dans la culture qui était instituée par ces recommandations nutritionnelles en France.

« Les campagnes d’information et de prévention qui sont livrées nous sont apparues — à nous, chercheurs en anthropologie — un peu trop ethnocentriques et elles devraient s’ouvrir sur l’idée que la France est aujourd’hui une société multiculturelle et que nos adolescents ont des pratiques alimentaires extrêmement mêlées et extrêmement métissées », explique-t-elle.

4. Une éducation alimentaire au sens large

« Il existe une forte culpabilité chez les adolescents et même chez ceux qui mangent “mal”. Le plus surprenant, dit-elle, est que ces adolescents plaident eux-mêmes pour recevoir une éducation alimentaire au sens large et pas seulement, une éducation nutritionnelle. »

Véronique Pardo souligne aussi que plusieurs adolescents suivent des cours de cuisine ou demandent à s’inscrire à des cours de cuisine, lorsqu’ils sont proposés dans les collèges ou les associations. C’est un phénomène qui a explosé chez les jeunes, selon elle, dans les associations en France.

« Au quotidien de notre recherche de 2006 à 2010, on a bien vu que ces ados étaient tout à fait capables d’entendre un discours si plaisir, santé et comportements alimentaires s’entremêlaient », dit Véronique Pardo. D’où l’importance de leur parler de la santé au sens général, c’est-à-dire un bien-être global, social, culturel, psychologique et bien sûr, biologique.

Découvrir le programme de recherche AlimAdos

L'Observatoire Cniel des Habitudes Alimentaires est un programme à long terme d’études et de publications créé en 1992 au sein de l’interprofession laitière (le Cniel) pour explorer les relations des mangeurs à leur alimentation avec une approche pluridisciplinaire privilégiant les sciences humaines et sociales. Consulter ses travaux

Carole Boulé pour Québec en Forme

Ce reportage a été rendu possible grâce à Québec en Forme avec la collaboration de l’ITHQ.

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