Pour contrer l'obésité, faut-il sensibiliser ou réglementer ?
Corinne Voyer
Coalition Poids
21 octobre 2014
Cette question a été posée aux chercheurs québécois en nutrition Michel Lucas de l’Université Laval à Québec et Jean-Claude Moubarac de l’université de Sao Paulo au Brésil, lors de la conférence « Sensibiliser ou réglementer : comment contrer l’obésité », offerte par le Coeur des sciences de l'UQAM.
Michel Lucas
Avant de se prononcer, les deux chercheurs nous ont offert une démonstration éloquente de l'abondance de produits ultra-transformés dans l'offre alimentaire et du puissant marketing qui les accompagne. Nous faisons donc face quotidiennement à un environnement stimulant l’achat et la consommation alimentaire excessive. La lutte pour résister aux tentations omniprésentes est perpétuelle, selon Jean-Claude Moubarac. Après tout, comme le rappelait Michel Lucas, l'industrie alimentaire n'a aucun intérêt à ce qu'on mange moins… Au contraire!
Dans un tel contexte, le besoin de réglementer davantage le marketing alimentaire, notamment celui qui cible les enfants, semblait faire l'unanimité et être à la fois inévitable et urgent. En parallèle, des mesures visant à augmenter les aptitudes individuelles et à changer la norme sociale alimentaire, comme le développement des compétences culinaires et la promotion d'une culture alimentaire de repas en famille, étaient aussi proposées.
Un des faits saillants de cette conférence fut, selon moi, l'invitation à mettre la thèse de la balance énergétique de côté. L'équation traditionnelle expliquant le poids corporel par la différence entre les calories mangées et les calories dépensées serait loin d'être aussi simple. Michel Lucas nous a démontré que la science d’aujourd’hui attribue plutôt la prise de poids à la provenance des calories consommées et donc à la composition des aliments, car cela influence la digestion et la réaction métabolique qui s'en suit. En d'autres mots, la qualité des aliments importe plus que la quantité de calories et une calorie de carotte n’équivaut pas à une calorie de cola sur le poids.
Jean-Claude Moubarac
Pourtant, cette conception erronée est souvent diffusée dans les publicités des grands joueurs de l’industrie agroalimentaire, qui financent massivement des programmes d’activité physique et banalisent l'impact de la consommation régulière de produits ultra-transformés en assurant qu'il suffit de brûler les calories que l'on consomme.
La sensibilisation seule ne réglera pas le problème de l'obésité : il est donc urgent de réglementer les pratiques néfastes à la santé de la grande industrie alimentaire.
Convaincre le gouvernement n'est pas sans défi. Pour ce faire, il faut pouvoir compter sur la solidarité entre acteurs de santé publique et organismes concernés par les habitudes de vie.
Êtes-vous prêts à vous mobiliser pour transformer notre environnement alimentaire ?
Crédit photos: Justin Lapointe - Cœur des sciences.



